L’Indemnisation de l’entrepreneur par le maître d’ouvrage

Frerk Meyer

Le CCAG travaux et la jurisprudence sont clairs s’agissant des pénalités dues par l’entrepreneur à l’origine de retards dans l’exécution d’un marché public de travaux. Mais qu’en est il de l’hypothèse où l’entrepreneur n’est pas à l’origine des surcoûts ? Qui doit alors les supporter  ? 

L’article 10 du CCAG travaux indique qu’: “A l’exception des seules sujétions mentionnées dans le marché comme n’étant pas couvertes par les prix, ceux-ci sont réputés tenir compte de toutes les sujétions d’exécution des travaux qui sont normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s’exécutent ces travaux, que ces sujétions résultent notamment :

  • de l’utilisation du domaine public et du fonctionnement des services publics ;
  • de phénomènes naturels ;
  • de la présence de canalisations, conduites et câbles de toute nature, ainsi que des chantiers nécessaires au déplacement ou à la transformation de ces installations ;
  • des coûts résultant de l’élimination des déchets de chantier ;
  • de la réalisation simultanée d’autres ouvrages.”

Dans ces hypothèses, les surcoûts sont censés avoir été pris en compte dans l’établissement des prix par le candidat dès lors qu’ils sont “normalement prévisibles dans les conditions de temps et de lieu où s’exécutent ces travaux”.

A contrario, et si le surcoût n’entre pas dans le champ de ces sujétions “normalement prévisibles”, la jurisprudence précise dans quelle mesure le pouvoir adjudicateur doit indemniser les surcoûts dans l’exécution du marché de travaux.

Après plusieurs hésitations, la jurisprudence a légèrement évoluée dans un sens favorable au maître d’ouvrage et retient désormais que,

« les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure ou celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique ».

Ainsi, les fautes commises par d’autres intervenants n’ouvrent pas automatiquement à l’entrepreneur un droit à indemnisation. Il est fondé à être indemnisé dans seulement deux hypothèses:

  1. Si la difficulté est imputable à la personne publique ;
  2. Si la difficulté a eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat.

S’agissant du premier cas, il est jugé qu’est imputable à la personne publique, son attitude dilatoire qui a contribué au désengagement des entreprises intervenant sur le chantier et engendré un retard conséquent dans l’exécution des prestations. L’indemnisation est également acquise si l’entrepreneur a été contraint de réaliser des prestations supplémentaires pour pallier la défaillance du maître de l’ouvrage. Il est également responsable de la grève engagée par son personnel. En revanche,  et à moins qu’une faute directement imputable à l’administration soit démontrée, ni la défaillance du titulaire d’un autre lot, ni les modifications de programmes demandées par le maître d’oeuvre ne suffisent à déclencher l’indemnisation.

Dans le second cas relatif au bouleversement de l’économie du contrat, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a par exemple jugé qu’une durée de contrat allongée de 6 jours sur 389 jours suite à un aléa technique lié à la nature du sol ne constituait pas un tel bouleversement. De plus, dans le cadre de l’examen de la légalité de plusieurs avenants de prolongation, il est jugé qu’ils ne bouleversaient pas l’économie du contrat dès lors notamment qu’ils  « avaient pour objet de permettre l’exécution de prestations identiques à celles prévues par les marchés initiaux » (CE, 22 juin 1998, n° 173025 ; voir également TA Cergy-Pontoise, 7e ch., 17 sept. 2013, n° 1201769).

Ainsi, et dès lors que l’entrepreneur considère que le surcoût dans les travaux était imputable à la personne publique, ou qu’il a eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, ce dernier sera fondé à demander à être indemnisé.

En cas de refus du maître d’ouvrage, le titulaire du marché public pourra engager un recours en responsabilité devant le tribunal administratif compétent. Pour obtenir le paiement des sommes dues de manière rapide, il pourra également envisager le dépôt d’un référé provision.